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Gildas Agonkan alias «Jobloski» est-il réellement fait ambassadeur du Bénin près le Niger par le président de la République ?
Ce qui au départ, du moins courant fin mai 2023, était considéré comme une rumeur, finit par se confirmer quelques jours voire semaines plus tard. Non pas dans le chapitre habituel des mesures individuelles en Conseil des ministres, comme c’est d’ailleurs le cas avec plusieurs autres ambassadeurs antérieurement nommés par le même gouvernement, mais plutôt à travers la prise du «Décret N°2023-319 du 14 juin 2023 portant nomination de monsieur Gildas Habib Bignon Agonkan en qualité d’ambassadeur de la République du Bénin près la République du Niger ». Un acte signé du chef de l’État, Patrice Talon finalement rendu public dans des médias sociaux et médias en ligne.
Aux yeux de l’opinion, le contournement du compte rendu du traditionnel Conseil des ministres était déjà le premier signe énigmatique ou la première station du long métrage que déroulera cette nomination. En effet, sans que les voies officielles n’aient informé de cette promotion de l’ancien député non réélu à l’Assemblée nationale, après la huitième législature à laquelle il a appartenu, l’on le découvre subitement dans un périple à travers les institutions de la République.
« J’ai été en effet fait ambassadeur de la République du Bénin près la République soeur du Niger depuis le 14 juin 2023, et il était important qu’avant de rentrer dans les prérogatives de mes fonctions que je fasse des échanges avec les présidents d’institution de la République…», confiait en substance Gildas Agonkan, au sortir des audiences qui l’ont conduit, entre autres à l’Assemblée nationale, à la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, à la Cour constitutionnelle, chez le Médiateur de la République, au Conseil économique et social. Une fois tout ce tour fait, l’avion de Jobloski ne décollera pas pour Niamey ; lui qui a même pris part à la conférence diplomatique organisée le 6 juin 2023, par le chef de l’État avec tous les ambassadeurs du Bénin en poste à l’extérieur, convoqués à Cotonou.
Exactement un an que le décret de sa nomination est pris, mais le nouvel ambassadeur du Bénin près le Niger est régulièrement aperçu dans les rues de Cotonou. Certains disent le croiser souvent dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères où on lui aurait affecté un bureau. Cela se justifie. En effet, dans la foulée de la nomination de Gildas Habib Bignon Agonkan, il y a eu bouleversement de l’ordre constitutionnel au Niger. Par un coup d’État militaire, le 28 juillet 2023, le président Mohamed Bazoum a été renversé. Le Général Abdourahamane Tiani prend donc la tête du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp) et devient le nouvel homme fort du pouvoir de Niamey. Ce fut la deuxième station, osons le dire, d’un chemin de croix qui débuta pour Jobloski. Et pour cause. Quelques heures après ce putsch, le chef de l’État béninois, s’alignant sur la Cedeao, prend position et menace les nouvelles autorités nigériennes. Il faut rétablir coûte que coûte Bazoum et l’ordre démocratique. Un bras de fer s’installe avec à la clé la fermeture des frontières de part et d’autre. C’est la troisième station qui va durer plusieurs mois, sans résultat. L’instance sous-régionale va donc se raviser quant aux sanctions fortes prises entre temps.
En conséquence, le Bénin rouvre ses frontières en espérant au plus vite la réciprocité. On pourrait croire à une lueur d’espoir pour l’ambassadeur Agonkan planté à Cotonou depuis sa nomination. Niet ! Niamey n’en a cure.
Cinquième station pour Jobloski, le Bénin « attaque » le Niger sur le contrat du projet pipeline liant les deux États. Étant donné que Niamey s’obstine à rouvrir sa frontière, pas question que l’entreprise chinoise continue de pomper le brut nigérien sur les installations au Bénin. Coup de tonnerre ! La décision fait couler assez d’encre et de salive. Mais sur médiation de la partie chinoise, le pouvoir de Cotonou lâche du lest quelques semaines après. Cependant, va ordonner, sur un autre front, la fermeture de sa frontière sur le fleuve Niger.
Sixième station du chemin de croix pour l’ambassadeur du Bénin près le Niger resté sur place à Cotonou, c’est le feuilleton, depuis quelques jours, de l’arrestation, au Bénin, de cinq Nigériens qui se seraient introduits illégalement sur les installations du pipeline. Quand on sait qu’après la garde à vue et leur présentation au procureur de la Criet, la Cour spéciale, trois parmi eux sont mis sous mandat de dépôt, on peut s’interroger sur la fin réelle de cette crise diplomatique, à rebondissements, entre les deux pays frontaliers de l’Afrique de l’ouest. Il est clair que tant que les divergences ne seront pas aplanies pour un retour à la normale des relations entre Niamey et Porto-Novo, Gildas Habib Bignon Agonkan ne restera ambassadeur que sur papier même si surplace il a droit à un traitement comme l’ indiquent certaines langues. Un an sans entrer dans la plénitude des prérogatives de ses fonctions, c’est historique ! Quel sort pour Jobloski, est-on tenté de se demander ! Sera-t-il gardé dans cette posture aussi longtemps que durera la brouille Bénin-Niger ou Patrice Talon ira-t-il à un plan B pour sortir le soldat Agonkan de là ? Pour l’heure, l’énigme que développe cette nomination depuis 12 mois suit son cours.
J.B