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Dans une déclaration rendue publique ce lundi 10 février 2025, l’Union des jeunes avocats du Bénin (Ujab) hausse le ton après la dernière décision de la Cour constitutionnelle qui autorise le jugement des accusés sans présence d’un avocat. Une décision qui fait suite au refus des avocats de se constituer d’office aux côtés des accusés, n’ayant pas été rémunérés par l’Etat béninois depuis plus de quatre ans. Voici ladite déclaration ci-dessous.
COMMUNIQUÉ DE L’UNION DES JEUNES AVOCATS DU BÉNIN (UJAB)
POUR UNE JUSTICE RESPECTUEUSE DES DROITS FONDAMENTAUX ET DE L’INDÉPENDANCE DU BARREAU DU BENIN
L’Union des Jeunes Avocats du Bénin prend à témoin l’opinion nationale et internationale des faits suivants:
- Depuis 2020, l’Etat, sans aucun motif valable, a cessé de rémunérer les avocats commis d’office lors des sessions criminelles organisées par les différentes juridictions sur toute l’étendue du territoire national. Ces derniers ont continué à assurer, à leurs frais, la défense des personnes accusées jusqu’à novembre 2023 où sous l’égide du Bâtonnier et du Conseil de l’Ordre, toute commission d’office a été suspendue jusqu’à nouvel ordre.
- Depuis cette date, seuls les dossiers des accusés ayant les moyens de se payer les services d’un avocat sont programmés et jugés en session criminelle pendant que les autres croupissent en prison sans jugement puisque l’Etat s’est refusé d’assurer sa mission d’accès à la justice pour tous.
- Lors du procès de l’affaire dite d’« atteinte à la sûreté de l’Etat, le Président de la Criet a saisi le Batonnier de l’Ordre des Avocats aux fins de commission d’office d’avocats pour la défense de messieurs Olivier BOKO et Oswald HOMEKY.
Rappelant au Président de la CRIET que les conditions de la commission d’office ne sont pas remplies en l’espèce, notamment l’impécuniosité des accusés, le Bâtonnier n’a néanmoins pas manqué d’attirer l’attention sur le mouvement observé par les avocats depuis.
Estimant pouvoir obtenir sous injonctions des commissions d’office, le Président de la Criet a réitéré sa requête.
- Entre temps, par arrêt avant dire droit en date du 23 Janvier 2025, la Criet a donné un délai de 5 jours aux accusés pour constituer les avocats de leur choix.
- Avant même l’expiration de ce délai, un recours a été déposé à la Cour constitutionnelle pour voir dire que le Bâtonnier aurait violé les dispositions de l’article 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Malgré que la personne à qui l’initiative du recours constitutionnel a été imputée a déclaré n’avoir jamais introduit ledit recours, la Cour s’autosaisit et rend la décision DCC 025-24 du 30 janvier 2025 qui déclare en substance que le Bâtonnier a violé l’article 7 de la CADHP. Poussant plus loin le bouchon, la Cour autorise le Président de la juridiction à suppléer au défaut de commission d’office d’un avocat par le Bâtonnier et à passer outre toute désignation si l’avocat commis dans ces conditions refusait d’accomplir la mission.
- Ainsi, aussi étonnant et aussi inédit que cela puisse paraître, la Cour Constitutionnelle autorise les juridictions criminelles à juger les accusés sans présence d’un avocat.
Cette décision qui constitue une première dans l’espace UEMOA et même dans le monde viole le droit le plus élémentaire de la défense, celui du droit à un procès équitable tel que consacré par la constitution et plusieurs instruments internationaux, notamment le même article 7 de la CADHP.
Il faut savoir que la liberté des barreaux est un principe de convergence constitutionnelle commun à tous les États membres de la CEDEAO conformément à l’article ler du protocole additionnel
A/SP1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance.
À cela s’ajoute le protocole de Bamako du 3 novembre 2000 sur le bilan des pratiques de la démocratie des droits et des libertés dans l’espace francophone à travers lequel le Bénin a pris l’engagement d’assurer l’indépendance de la magistrature, la liberté du Barreau et la promotion d’une justice efficace et accessible, garante de l’Etat de droit.
L’Union des Jeunes Avocats du Bénin exprime sa plus vive préoccupation suite à cette décision rendue par la Haute juridiction constitutionnelle.
La Cour Constitutionnelle, alors qu’elle a retenu la violation par le Bâtonnier de l’article 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples en vient à l’article 5 de sa décision à donner la possibilité à un juge de juger en matière criminelle une personne sans la présence d’un avocat.
Elle a donc par cette évidente contrariété de motifs, elle-même violé le droit à un procès équitable des personnes accusées de crime.
En validant ainsi, la possibilité de juger un accusé sans avocat en cas de défaillance de la commission d’office, la Cour Constitutionnelle du Bénin marque un recul inquiétant du droit à un procès équitable et remet en cause un principe fondamental du droit pénal moderne.
Depuis le Code d’instruction criminelle de 1808 sous Napoléon Ier, l’assistance obligatoire d’un avocat en matière criminelle est une garantie essentielle contre les abus judiciaires. Ce principe, adopté par le Bénin, est également consacré par les conventions internationales, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Cette décision de la Haute juridiction constitutionnelle est d’autant plus préoccupante qu’elle occulte les véritables responsabilités de l’État.
Depuis plus de quatre (04) ans, les avocats commis d’office pour des sessions criminelles, qui se sont déplacés à leurs frais dans toutes les juridictions du pays et qui ont valablement accompli leur office obtenant à maintes reprises des acquittements, n’ont pas été rémunérés.
Toutes les démarches initiées par les Bâtonniers successifs depuis l’année 2020 à l’endroit de la chancellerie sont demeurées vaines.
Plutôt que de contraindre les avocats à travailler gratuitement, l’État doit assumer ses obligations et garantir un véritable accès à la justice.
L’Union des Jeunes Avocats du Bénin :
1.légale et internationale.
2.Rappelle que l’assistance d’un avocat en matière criminelle est une obligation
Invite au paiement des indemnités dues aux avocats commis d’office depuis l’année
2020.
3.le Barreau étant indépendant et libre.
Refuse toute forme de pression sur le Barreau pour masquer les carences de l’État,
Nous appelons tous les acteurs judiciaires à se mobiliser afin que cette atteinte aux droits fondamentaux ne devienne pas un dangereux précédent.
Nous invitons par ailleurs le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Bénin à saisir la Conférence des Barreaux de l’Espace UEMOA aux fins de dénoncer les atteintes graves portées à la profession d’Avocat au Bénin.
Fait à Cotonou, le 10 Février 2025
Le Bureau de
l’Union des Jeunes Avocats du Bénin