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Hygiène et assainissement de base: Le Bénin encore loin, il urge d’agir maintenant

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Au Bénin, la question de l’hygiène et de l’assainissement de base reste le parent pauvre du sixième objectif de développement durable (Odd 6) qui vise un accès universel et équitable à l’eau potable, à l’hygiène et l’assainissement d’ici à 2030. La situation préoccupe et interpelle à divers niveaux, en dépit des efforts qui se font ici et là.

« La question de l’hygiène et de l’assainissement de base reste préoccupante. Un ménage sur deux à accès aux installations. Et quand on dit un ménage, allez voir le nombre de personnes. Je ne parle pas encore de la qualité des installations. Vraiment, nous avons du pain sur la planche ». A ce cri de cœur de André Zogo, président du Cadre de concertation des acteurs non étatiques du secteur de l’eau et de l’assainissement au Bénin, par ailleurs Secrétaire exécutif du Partenariat national de l’eau, Félix Adégnika, Expert en hygiène et assainissement, membre du Canea ajoute : « Nous avons beaucoup à faire. Et les statistiques ont montré que les trois causes de consultation, c’est l’infection respiratoire aigüe, les diarrhées, le paludisme : les maladies liées à l’eau ; et le manque d’assainissement fait perdre au Bénin 52 milliards FCfa chaque année. C’est important, et il faut agir maintenant ! ». Ainsi, dans la recherche de solutions efficaces et durables au profit des communautés, le Partenariat national de l’eau (Pne) en collaboration avec le Cadre de concertation des acteurs non étatiques du secteur de l’eau et l’assainissement au Bénin (Canea)-Bénin, a convié à une causerie, jeudi 4 avril 2024 au Chant d’oiseau de Cotonou, divers acteurs intervenants dans les secteurs hygiène et assainissement, à savoir structures étatiques, collectivités locales, organisations de la société civile et partenaires techniques. Dénommée « Première nationale des films documentaires sur l’assainissement », la rencontre a connu la projection de deux films réalisés par deux jeunes Béninois grâce à l’appui financier de Niyel (Dakar) qui fait la promotion de l’assainissement en Afrique à travers son programme ‘’Clap Assainissement’’. Le premier film documentaire « Gbaffo, l’arôme de l’eau » réalisé par Onésiphore Adonai peint la vie d’un enseignant, qui du jour au lendemain, quitte la ville pour la campagne, confronté au problème de latrines pour faire ses besoins. Dans ce village situé dans la commune de Zogbodomey, à quelques kilomètres de Bohicon dans le département du Zou, la défécation à l’air libre demeure malheureusement une réalité. Le film met aussi exergue un fleuve à Gbaffo qui sert d’eau à boire, à préparer pour les habitants, surtout dans la transformation d’huile de palme, mais c’est dans ce même fleuve que les habitants se lavent, font la lessive, etc. Quant au second film « Tôdji, au rythme de l’eau », tourné par Ineck Houngbédji à Ganvié, dans la commune lacustre et touristique de Sô-Ava, il fait également toucher du doigt la problématique de l’hygiène et de l’assainissement. Cette fois-ci dans le département de l’Atlantique avec à la clé la défécation dans l’eau et du caca qui flotte en surface. Selon Jean de Dieu Koudjo, Secrétaire exécutif de la mairie des Aguégués, la situation est similaire dans la commune lacustre sœur des Aguégués. « C’est effectivement les mêmes réalités. Là où on peut avoir de l’eau pour faire du ménage, c’est avec cette même eau qu’on fait les toilettes, c’est dans cette même eau qu’on défèque, c’est avec cette même eau qu’on fait un peu de tout. Il y a la question des latrines. C’est aussi la même chose. C’est une grande problématique », confie-t-il. Et il poursuit son témoignage : « Pour le film ‘’Tôdji, au rythme de l’eau’’, la réalisatrice a fait comprendre qu’il y a eu des latrines qui se sont effondrées. On a eu cette même réalité aux Aguégués, et dommage cela a entraîné l’amputation de pieds, de bras pour des enfants qui allaient faire leurs besoins sur des latrines parce qu’après quelques années, l’intégrité de ces latrines devient problématique et c’est à cette occasion qu’on a eu cet incident. En cette année 2023, on a eu près d’une demi-douzaine de latrines qui se sont effondrées ». Ce que nous venons de voir, opine Félix Adégnika, c’est le quotidien de la moitié de la population béninoise. « Pour dire qu’environ 49% de la population pratique encore la défécation à l’air libre. Cette pratique est liée à ce que les gens n’ont pas d’installation et n’en utilisent pas », déplore-t-il. La conséquence, signale Alain Tossounon, acteur des médias, spécialisé dans les questions de l’eau, hygiène et assainissement « Des enfants meurent chaque jour à cause de la situation de l’assainissement. Vous avez des enfants qui meurent d’une diarrhée chronique. J’avais rencontré une mère qui a perdu son fils unique suite à une diarrhée chronique. Voilà des situations qui continuent… ». Le comble, le problème de l’hygiène et de l’assainissement n’est pas que dans les milieux reculés et périphéries de la métropole. Cotonou le vit également au quotidien même si beaucoup s’accordent à reconnaître que la Société de gestion des déchets et de la salubrité (Sgds), créée par le gouvernement, fait un travail remarquable dans ce sens. « Le phénomène n’est pas que dans ces milieux humides mais aussi en plein cœur de Cotonou. Nous, étant donné que nous gérons à la fois les déchets solides et liquides, nous assistons, lors de la collecte des déchets solides, à la présence des latrines volantes dans les déchets. Les autorités locales de ces zones sont souvent approchées pour qu’on sensibilise les auteurs sur le phénomène et leur apprendre à utiliser mieux les infrastructures qui sont à leur niveau. Il faut dire que ces infrastructures, c’est peut-être par défaut de vidange. C’est rempli et peut être ils n’ont pas pu vider. Et là, on a toujours ces latrines dans les déchets qui sont collectés au quotidien. C’est un problème que nous vivons tous les jours. La solution semble ne pas encore être proche mais on espère… », relate Léa Tchédji, chef division Eaux usées et boues de vidange à la Sgds-Cotonou.

Hygiène et assainissement de base, le parent pauvre

Des réflexions et actions, il y en a eu avec divers résultats. « (…) nous avons mené plusieurs activités jusque-là, depuis plusieurs années ; surtout des activités de plaidoyer. Plaidoyer à l’endroit de l’Exécutif, à l’endroit du Parlement, à l’endroit des structures techniques, à l’endroit des mairies, à l’endroit de tous les décideurs qui peuvent prendre une part à la décision pour que l’eau et l’assainissement puissent être disponibles à tous citoyens. Et nous devons remercier le gouvernement actuel qui en a fait son cheval de bataille notamment lorsque nous considérons le sous-secteur de l’eau potable. Aujourd’hui nous avons beaucoup d’investissements qui sont en train d’être mis en place pour améliorer l’accès des citoyens à l’eau potable », se réjouit le Secrétaire exécutif du Pne-Bénin, André Zogo qui fait constater par ailleurs, une faiblesse : « Mais en même temps, nous constatons que les efforts qui sont faits pour améliorer l’accès des citoyens aux services de l’assainissement et surtout de l’hygiène et de l’assainissement de base ne sont pas à la mesure de ceux qui sont faits pour l’eau potable. Or, les deux sont intimement liés ». Le journaliste spécialiste Wash, Alain Tossounon abonde dans le même sens : « L’enjeu que constitue l’assainissement est très important. Nous voyons comment le gouvernement fait des efforts par rapport à l’accès à l’eau potable. Mais si l’assainissement ne suit pas, nous ne pourrons pas atteindre les objectifs qu’il faut. Le gouvernement a déjà si bien commencé en dotant le Grand Nokoué de deux stations de traitement de boues de vidange. Mais la chaîne de l’assainissement commence au niveau ménage avec le confinement et puis ça doit se terminer au-delà du traitement ; c’est-à-dire la valorisation. Donc comment on fait pour que cette chaîne de l’assainissement soit prise en charge de façon complète et durable ? C’est un défi que le Bénin comme les autres pays doivent relever. ».

Les installations en question

Assainissement d’accord, mais encore faudrait-il que les installations résistent et répondent aux besoins des populations. Cela tient à cœur au Secrétaire exécutif de la mairie des Aguégués, Jean de Dieu Koudjo qui a insisté là-dessus à la rencontre. « C’est vrai, l’assainissement n’est pas que la latrinisation. Mais aux Aguégués c’est une grande problématique en ce sens qu’avoir des latrines aux Aguégués comme à Sô-Ava, le concept doit être revu. (…) nous avons des sols hydromorphes. Construire des latrines aux Aguégués et à Sô-Ava, on se demande si c’est vraiment la solution tel que cela a été fait depuis des décennies. (…) Ne faudrait-il pas qu’on puisse penser à d’autres concepts de latrines dans nos communes ? », interroge le Secrétaire exécutif des Aguégués. Préoccupation visiblement partagée par le Chef division Eau, hygiène et assainissement de la mairie de Sô-Ava : « Le problème de l’assainissement est limité aux latrines. Nous devons revoir ça », déclare-t-il en saluant le projet gouvernemental ‘’Réinventer Ganvié’’ qui va contribuer tant soit peu à résoudre le problème d’assainissement. Mais une évidence, pour l’heure à Sô Ava, « le besoin en latrine familiale est un vrai souci », signale le Chef division Eau, hygiène et assainissement de ladite commune. Ce ne sont pourtant pas des initiatives qui manquent dans ce sens. Le Chef division Eau, hygiène et assainissement de la mairie de Sô-Ava a même fait cas d’une expérience réalisée dans la localité par un partenaire qui avait conçu un modèle de toilette. Mais chaque ménage devait débourser jusqu’à 800.000 FCfa avant de l’avoir. A Cotonou, dans les zones comme Vossa, Ladji qui sont à l’image de Sô-Ava et Aguégués, il y a également l’expérience du projet MiniWash avec un type de toilette bio digesteur, adaptée. Ces toilettes écologiques, avec un design, conçues pour les ménages ne sont accessibles qu’à partir de 300.000 FCfa. Pour les ménages pauvres et même moyens, il ne serait pas aisé d’avoir ces installations à ces coûts-là. Cet aspect n’a pas été occulté. Quant à la question de l’adaptabilité des toilettes, Pélagie Ollou de Agir Eau-GIZ, a fait savoir que le programme a contribué à l’élaboration d’un catalogue de latrines de différentes options technologiques. Ce catalogue qui est fin prêt, prend en compte les textures de sols de toutes les zones géologiques du Bénin avec les types d’ouvrage adaptés. Ce catalogue pourra donc permettre d’éviter les écroulements de toilettes après un temps dans ces zones. A Porto-Novo, le dispositif est en phase de test dans deux zones inondables, a-t-elle expliqué. Toutefois, le Chef division Eau, hygiène et assainissement de la mairie de Sô-Ava souhaite que les communautés soient fortement impliquées dans la réalisation de ces latrines et insiste sur l’accessibilité en terme de coût. « Dans le film qu’on a vu les gens parlent de moyens. Si vous voyez cette population-là, presque chacun a son téléphone aujourd’hui et achète du crédit presque tous les jours, ou 100 F de crédit tous les deux jours. Donc si on ne fait pas un bon diagnostic on va trouver une mauvaise solution. Il faut qu’on puisse faire vraiment le diagnostic, toucher le cœur des gens. On ne va pas toujours dire que c’est les moyens », pense l’Expert en hygiène et assainissement, Félix Adégnika. Dans son développement, il estime qu’au-delà de la question de moyens posée, il faut la sensibilisation parce que certaines populations ne sont pas suffisamment informées des enjeux liés à l’hygiène et l’assainissement. « Il y a autre chose qu’on peut appeler la volonté. Il y a autre chose qu’on peut appeler aussi la connaissance. Peut-être que les gens ne savent pas. Il faut pouvoir leur dire, leur montrer les voies possibles, comment on peut faire. Et ça, ça manque. J’appelle tout le monde qu’on puisse apporter l’information, la connaissance. Ce n’est pas maintenant d’aller construire. Là où on a construit les autres décennies, parce qu’on a construit avec du matériau plus dur que là où les gens dorment, on a transformé ça en magasins pour autre chose que les toilettes. Donc il faut que les gens apprennent à construire eux-mêmes et utilisent les installations », affirme Félix Adégnika.

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Engagement au niveau communal

Entre temps logé dans l’un des services du ministère de la santé, le volet hygiène et assainissement se retrouve désormais à la Direction générale du développement urbain sous-tutelle du ministère du Cadre de vie et des transports, en charge du développement durable. Non visible ou toujours noyé, le volet hygiène et assainissement n’a pas souvent bénéficié d’un budget conséquent, à la hauteur des nombreux besoins sur le terrain. Un fait que déplorent les acteurs non étatiques du secteur. Au niveau communal, l’hygiène et l’assainissement ne bénéficient pas non plus d’une attention particulière. Pourtant les communes sont les maîtres d’ouvrage en matière d’hygiène et d’assainissement de base. « La loi portant hygiène publique dit que l’Etat vient aider les Communes à prendre leur responsabilité en matière d’hygiène et d’assainissement », rappelle Alain Tossounon. Fort de cela, et eu égard à l’enjeu, le Secrétaire exécutif de la mairie des Aguégués a pris l’engagement d’« inscrire l’assainissement à une place de choix, une place prépondérante dans le Plan de développement communal 4ème génération en cours d’élaboration. « Nous allons mettre des ambitions qui soient à la hauteur de la problématique », a-t-il indiqué, soulignant cependant qu’il y a des actions de salubrité qui se font de concert avec la communauté.

Les attentes de la société civile

« Ce que préconise Canea, nous avons des opportunités. Il faut qu’on puisse prendre les textes d’application de la loi sur l’hygiène, élaborer et chercher des financements pour un programme national de fin de défécation à l’air libre ou même de promotion de l’hygiène (exemple de l’Inde), militer pour qu’il y ait une Agence nationale qui prenne en charge la question de l’hygiène et de l’assainissement de base au Bénin, réhabiliter les Communes dans leurs prérogatives quant à la gestion de l’hygiène et de l’assainissement de base. Vu l’urgence et la gravité de la situation, qu’on puisse décréter une année nationale pour l’hygiène et assainissement où on concentre tous les moyens, la mobilisation sociale, tous les ministères, tout le monde travaille. C’est possible ! », déclare Félix Adégnika au nom du Canea.
« D’ici à 2030, assurer l’accès de tous, dans des conditions équitables, à des services d’assainissement et d’hygiène adéquats et mettre fin à la défécation en plein air, en accordant une attention particulière aux besoins des femmes et des filles et des personnes en situation vulnérable ». Ainsi se décline l’Odd 6.2. Pour que le Bénin soit au rendez-vous de cet engagement international qu’il a pris, il urge que « les droits humains liés à l’eau et à l’assainissement deviennent une réalité », exhorte le président du Canea et Secrétaire exécutif du Pne-Bénin. Il reste tout de même optimiste : « cette discussion a gagné à nous conscientiser davantage sur ce que nous savions déjà, avec des évidences que sont les films documentaires. Nous allons avoir l’espoir que dans quelques années nous allons réaliser encore des films qui vont nous montrer des situations meilleures », conclut André Zogo.

Jacques BOCO

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