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Victor Prudent Topanou: « (…) on n’est pas face à du terrorisme [au Bénin] »

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Au nombre des quatre communications qui ont servi de charpente aux discussions, les vendredi 22 et samedi 23 novembre, lors du symposium annuel, édition 2024 de l’Institut des artisans, de justice et de paix du chant d’oiseau (Iajp-co) de Cotonou, figure celle de Victor Prudent Topanou. Intitulée « Le terrorisme, le développement humain durable et l’avenir des jeunes », ce qui a retenu l’attention de plus d’un dans cette communication, c’est cette démarcation de l’universitaire dans la clarification du concept ‘’terrorisme’’. En effet, l’ancien Garde des sceaux, député au Parlement béninois n’est pas d’accord qu’on désigne par terrorisme les actes de barbarie que commettent des individus et groupes armés depuis quelques années dans certaines localités de la partie septentrionale du Bénin. Lire le verbatim d’une séquence de son intervention pour découvrir son appellation du phénomène.  
« Comme d’habitude il nous est quasiment impossible de procéder sans définition, j’ai commencé par me demander ce que c’est que le terrorisme (…). En réfléchissant au concept de terrorisme, ça me donnait, en fait, une occasion de plus de dire mon opposition traditionnelle, face à la définition devenue classique que l’on donne du terrorisme.

Autrement dit, jusqu’à présent je me suis toujours demandé si on avait le terrorisme au Bénin alors que c’est le langage officiel. Tout le monde parle du terrorisme, mais je ne suis pas sûr que l’on mette les mêmes choses dans le terrorisme (…).
Sur le plan universitaire, il y a eu un très bel exercice au début des années 2000 sur la définition du terrorisme. Un des collègues a réuni près de 110 définitions doctrinales. Evidemment, chacun donnait la définition qu’il voulait de terrorisme. Sauf qu’au terme de son travail, il s’est rendu compte qu’il y avait au moins six points qui étaient constants dans les 110 définitions qu’il avait recensées. Et les six points c’est :
1-la violence, 2-la terreur, 3-la politique, 4-la menace, 5-les effets psychologiques et 6-la différenciation entre victime et cible.

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Autrement dit, on ne saurait parler de terrorisme que lorsque ces six critères, à minima, sont réunis. Et lorsqu’on va sur ces six définitions, on a un profil relativement classique du terroriste. Le terroriste c’est celui qui est capable d’abord de créer la terreur et la violence mais qui nécessairement le lie à la politique, une revendication politique qui va avec. A partir de ce moment-là, la question c’est de savoir si les actes terroristes que nous connaissons au Bénin depuis temps sont systématiquement liés à des revendications politiques ? Et donc en réalité, le terrorisme, à travers cette étude, apparaît en règle générale comme l’expression utilisée par les victimes.
Autrement dit, quand vous prenez l’ANC par exemple, pour le régime d’Apartheid, l’ANC était un groupement terroriste alors que pour les Sud-Africains, c’était un groupement aux revendications identitaires économiques. Aujourd’hui, sous nos yeux, nous avons le Hamas et Israël. Il est clair que pour les Israéliens et leurs alliés, le Hamas est un groupe terroriste, ni plus ni moins. Mais les palestiniens sont convaincus que le Hamas n’est pas un groupe terroriste, qu’au contraire sans eux, l’identité palestinienne n’existerait pas. Il en est d’ailleurs de même de l’Olp. Et donc, on se rend compte, in fine, que le terroriste est stigmatisé par celui qui est victime des actes du terrorisme alors que celui qui est traité comme terroriste apparaît en règle générale aux yeux des siens et de ses alliés comme celui qui défend la bonne cause (…).
A partir de ce moment, je reviens à ma question. Est-ce que ce que ce qui se déroule sous nos yeux au Bénin, depuis quelques années, et d’ailleurs dans une certaine mesure, dans la plupart des pays francophones de l’Afrique de l’ouest, relève de cette définition-là ? Est-ce qu’il s’agit donc de terrorisme ? Jusqu’à présent, je n’ai jamais entendu quelqu’un déposer une bombe à Kalalé et exiger par exemple et exiger par exemple la libération de détenus politiques au Bénin. Je n’ai pas vu quelqu’un déposer une bombe ou alors venir faire une razzia dans un village, dans un quartier ou arrondissement de Matéri et exiger par exemple une portion de territoire béninois. Il n’y a systématiquement aucune revendication politique derrière. A partir de ce moment-là, je n’ai pas de difficulté à dire qu’on n’est pas face à du terrorisme. Alors, si on n’est pas face au terrorisme, on est face à quoi ?

La réponse est évidente. Il y a effectivement ce qu’on appelle les réseaux de crimes organisés, ce qu’on appelle encore le grand banditisme. Et là, il y a une similitude dans la définition parce que pour définir les crimes organisés et le grand banditisme, c’est quasiment les mêmes choses à quelques différences près. Là aussi, il y a six critères qui sont retenus pour définir le grand banditisme. Le premier, c’est le caractère permanent et organisé du groupe ; le deuxième c’est la recherche du profit ou du pouvoir ; le troisième c’est le recours à la violence, à la peur, à l’influence et à la corruption au-delà des frontières. La spécialisation des activités illégales à dimension transnationale (…). Quand je prends cette définition, elle me semble beaucoup plus conforme à ce qui se passe sous nos yeux Dans le nord-Bénin, vous avez des gens qui essaient de contrôler un passage pour faire passer souvent des cigarettes, de la drogue, tout ce qui est prohibé.
Et donc quand on se rend compte qu’en réalité on ne nomme pas bien le mal, à l’évidence les solutions trouvées pour le combattre ne sont pas forcément les bonnes. Évidemment, en définissant le terrorisme ou que ce soit le grand banditisme, il y a un point commun. C’est le renforcement des Etats (…). On se rend compte qu’effectivement, il y a une plus grande importance accordée à l’Etat parce que malheureusement, l’Etat, dans ces conditions, apparaît comme la seule entité capable de garantir la sécurité individuelle et collective. Donc ça permet à l’Etat de se revigorer. Nous sommes dans cette phase, évidemment, à partir de ce moment-là l’Etat se donne les moyens de se légitimer à nouveau (…). Et donc c’est face à cela qu’il est important de s’assurer que l’on veuille parler de terrorisme ou de grand banditisme… »

Transcription : ADN

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